Confessions, Saint Augustin
Quelques extraits
Page 27 - Je ne serais donc point, mon Dieu, je ne serais donc point du tout si vous n'étiez point en moi. Ou ne dois-je point dire plutôt que je ne serais point si je n'étais point en vous, de qui procèdent toutes choses, par qui subsistent toutes choses et en qui sont contenues toutes choses ?
Page 36 - Mais vous, Seigneur, vous êtes toujours le même, et l'on peut dire de vous, que vous avez fait aujourd'hui tout ce que vous avez fait hier et dans les siècles passés ; et que vous ferez aujourd'hui tout ce que vous ferez demain, et dans tous les siècles à venir, parce que vous n'agissez que dans ce grand jour de l'éternité, qui contient en soi la durée de tous les temps, et n'est précédé ni suivi par aucun jour.
Page 36 - Qu'ils se réjouissent même de leur ignorance, et qu'ils s'estiment heureux de ne pouvoir vous trouver, mon Dieu, puisqu'ils vous trouvent en effet lorsqu'ils ne vous trouvent point ; votre grandeur infinie étant cause qu'ils ne peuvent vous trouver ; au lieu que s'ils vous trouvent selon leur imagination et leur idée, ils ne vous trouvent pas en vous trouvant, puisqu'ils ne sauraient trouver par une intelligence finie et bornée comme est la leur, un Dieu infini et incompréhensible comme vous êtes.
Page 37 - Qui me pourra dire quels ont été les péches de mon enfance ? Car votre Esprit-saint nous a déclaré dans les Écritures, que nul n'est exempt de péché en votre présence, non pas même l'enfant qui n'a vécu sur la terre que durant l'espace d'un jour.
Page 50 - Car l'amour qu'on a pour le monde est un amour d'adultère qui nous éloigne de vous... En même temps que je me portais à cette bassesse de m'attacher aux dernières de vos créatures, au lieu de m'attacher à vous, ô mon Dieu, et qu'étant tout terrestre, je me tournais toujours vers la terre.
Page 53 - Prière à Dieu. Faites, s'il vous plait, que je trouve en vous un plaisir et une douceur qui passent sans comparaison tous ces faux plaisirs dont j'étais esclave, que je vous aime d'un amour ferme et inébranlable.
Page 55 - "On me dira peut être qu'Homère feignait ces choses, et qu'il attribuait aux dieux les mouvements et les passions des hommes"... "Il aurait mieux fait de rendre les hommes semblables aux dieux que de rendre ainsi les dieux semblables aux hommes". Mais nous pouvons dire avec plus de vérité, que ce Poète (Homère), en effet inventait ces choses; et qu'il les inventait afin qu'attribuant aux dieux des actions criminelles, elles ne passassent plus pour des crimes, et que ceux qui les commettraient à l'avenir semblassent imiter plutôt les dieux célestes.
Page 59 - Les hommes ont un soin prodigieux d'observer toutes les lois et toutes les règles du discours, qui s'étendent jusqu'aux moindres mots, et jusqu'aux syllabes mêmes, et qui leur ont été prescrites par de simples hommes comme eux. Et en même temps ils foulent aux pieds les lois et les règles éternelles du salut éternel qu'ils ont reçues de votre souveraine majesté.
Page 60 - Lorsqu'un homme qui a dessein de passer pour éloquent parle devant un Juge en présence de tout un peuple, et qu'il poursuit avec une animosité furieuse la condamnation de celui qu'il hait, il a un soin merveilleux de conduire si bien toutes ses paroles, qu'il ne lui en échappe une seule qui puisse blesser les règles de l'art, et qui choque tant soit peu l'oreille de ses auditeurs ; et en même temps il ne se met point en peine de régler son esprit ni d'arrêter la fureur qui le transporte, par laquelle il blesse la loi naturelle, et, étant homme s'efforce de faire perdre la vie à un homme.
Page 62 - Est-ce là cette prétendue innocence des enfants ? Il n'y en a point en eux, Seigneur : il n'y en a point, mon Dieu, et je vous demande pardon encore aujourd'hui d'avoir été du nombre de ces innocents. Car c'est cette même et cette première corruption de leur esprit et de leur cœur, qui passe ensuite dans tout le reste de leur vie.
Page 63 - Car toute la cause de mon dérèglement venait de ce que je recherchais, les plaisirs, la grandeur et la vérité non dans lui qui est le Créateur mais dans les créatures qu'il a faites, soit dans moi même soit dans les autres.
Page 81 - Que je vous aime, Seigneur, que je vous rende mille actions de grâces, et que je bénisse votre souveraine majesté, de ce qu'il vous a plu me pardonner tant d'injustices et tant de crimes que j'ai commis. Je reconnais que votre miséricorde et votre grâce en amollissant la dureté de mon cœur, a fait fondre mes péchés comme la glace se fond au soleil.
Page 90 - Car encore que celui qui ressent de la douleur en voyant la misère de son prochain lui rende un devoir de charité qui est louable, néanmoins celui qui est véritablement miséricordieux, aimerait mieux n'avoir point de sujet de ressentir cette douleur : et il est aussi peu possible qu'il puisse désirer qu'il y ait des misérables, afin d'avoir sujet d'exercer sa miséricorde.
Page 93 - Ces études que l'on nomme les occupations des honnêtes gens me conduisaient d'elles-mêmes au Barreau, vers lequel je commençais déjà à jeter les yeux dans l'ambition d'y exceller, et d'y recevoir d'autant plus de louange et de gloire, que je saurais mieux par mon éloquence faire passer le mensonge pour la vérité : tant est grand l'aveuglement des hommes.
Page 95 - On reconnait la vérité de cet avertissement salutaire que votre Esprit saint nous a donné par la bouche de votre fidèle serviteur, lorsqu'il dit : "Prenez garde que personne ne vous trompe par la philosophie, et par de vaines subtilités, en suivant plutôt les traditions des hommes et les maximes du monde, que l'Esprit de Jésus-Christ, en qui la plénitude de la divinité réside corporellement" (Saint Paul, lettre aux Colossiens).
Page 100 - Chapitre VII : Il réfute les erreurs des Manichéens touchant la nature de Dieu, et la vertu des anciens patriarches.
Page 106 - Voilà les sources des péchés des hommes qui naissent tous de ces trois concupiscences marquées par l'Ecriture, de l'élèvement de l'orgueil, de la curiosité des spectacles, et des plaisirs bas et sensuels ; soit qu'un homme soit possédé seulement de l'une de ces passions, ou de deux, ou de toutes les trois ensembles.
*1ère lettre de St Jean , 2, 16 : Tout ce qui est dans le monde est ou concupiscence de la chair, ou concupiscence des yeux, ou orgueil de la vie.
Page 112 - Car depuis il s'est passé presque neuf années, durant lesquelles je suis demeuré dans cet abîme de fange et de boue et dans ces ténèbres de l'erreur, tâchant souvent de le relever et retombant toujours encore plus bas. Et durant tout ce temps, mon Dieu, cette veuve chaste, sobre et dévote, telle que vous les aimez, ne cessa point de gémir pour moi devant vous, s'animant de telle sorte par la vive espérance de vos promesses... Vous receviez favorablement le sacrifice qu'elle vous offrait pour moi.
Page 124 - Car vous demeurez toujours en vous même par une immuable stabilité, au lieu que nous sommes agités et troublés par les accidents qui nous arrivent dans la révolution des choses du monde. Mais quelle espérance nous resterait-il dans nos maux si nous ne pleurions devant vos yeux ? Je vous demande donc, ô mon Dieu, d'où vient que l'on cueille des fruits si doux des amertumes de la vie, telles que sont les pleurs, les soupirs, les gémissements et les plaintes ? Est-ce l'espérance que nous avons d'être exaucés de votre bonté qui nous y fait trouver cette douceur ? Cela peut être vrai dans les larmes que nous versons en vous priant, parce que nous les répandons dans le désir qu'elles arrivent jusqu'à vous.
Page 129 - Dieu des vertus, convertissez nous ; montrez nous votre visage, et nous serons sauvés. Car de quelque côté que se tourne l'âme de l'homme, et quoi qu'elle recherche pour y trouver son repos, elle n'y trouve que des douleurs jusqu'à ce qu'elle se repose en vous, quoique les choses qu'elle recherche hors d'elle et hors de vous soient toutes belles, parce qu'elles sont vos créatures, qui ne seraient rien du tout si elles n'avaient reçu de vous tout ce qu'elles sont.
Page 145 - Vous savez, mon Dieu, que ce que je dis est véritable : car la promptitude d'esprit pour bien comprendre et la netteté pour se bien exprimer sont un don et une faveur que vous dispensez à qui il vous plait. Mais hélas ! J'ai été bien éloigné de vous l'offrir comme je devais, et de vous en faire un sacrifice. Je ne me suis servi que pour me perdre de ces qualités qui me pouvaient être si avantageuses et à l'exemple du plus jeune de vos deux enfants, j'ai voulu être le maître de cette part de mon bien ; et au lieu de remettre entre vos mains ses richesses que j'avais reçues de votre bonté, je m'en suis allé dans une terre extrêmement éloignée pour les dissiper malheureusement en me prostituant à l'amour des créatures.
Page 149 - Recevez mon Dieu ces confessions comme un sacrifice que vous présente ma langue, cette langue que vous avez formée et que vous faites mouvoir afin qu'elle publie vos louanges.Page 151 - Où étais-je donc quand je vous cherchais ?Vous étiez présent devant moi et j'étais éloigné comme absent de moi-même, et n'avais garde ainsi de vous trouver, puisque je ne pouvais pas me trouver moi-même.
Page 189 - Je prenais grand plaisir à ouïr Saint Ambroise répéter cette maxime : Que la lettre donne la mort mais que l'esprit donne la vie.Page 191 - Ayant ainsi reconnu que nous sommes trop faibles de nous-même pour trouver la vérité par des raisons claires et évidentes et que pour cet effet nous avons besoin de l'autorité des livres divins, je commençai dès lors à croire que vous n'en auriez pas donné une si grande par tout l'univers à cette Écriture que l'Eglise révère et tient pour sainte, si vous n'aviez pas voulu que par elle on vous cherchât et l'on crut en vous.
Page 194 - Nous ne prétendions autre chose que de posséder une joie aussi tranquille que celle dont ce pauvre jouissait déjà devant nous, et à laquelle nous n'arriverions peut être jamais, puisque avec ce peu d'argent qu'il avait ramassé de ses aumônes, il avait acquis ce que je m'efforçais d'acquérir par tant de travaux, tant de tours et de retours, savoir la joie d'une félicité temporelle.
Page 242 - Toutes vos créatures, dis-je, font voir sur la terre que vous êtes digne de louange.
Page 245 - Je recherchai ensuite ce que c'était que le mal et le péché ; et je trouvai que ce n'était point une substance mais seulement un dérèglement de la volonté, qui en s'éloignant de vous mon Dieu, qui est la souveraine substance, se porte dans l'affection de ce qui est au-dessous de vous, et qui en rejetant ce qu'elle a de plus précieux et de plus caché en elle même, s'enfle d'orgueil et se répand toute par sa vanité dans les choses extérieures.
Page 248 - Et ayant avec le limon dont nous avons été formés, bâti dans la plus basse partie du monde la petite maison de son humanité pour y faire sa demeure, il s'en est servi pour humilier les superbes, et les faire passe de l'amour d'eux-mêmes à l'amour qu'ils doivent avoir pour lui.Page 264 - Vous-même qui êtes le Père des miséricordes, vous vous réjouissez davantage d'un pénitent, que de quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont point besoin de pénitence.
Page 266 - Les plus grandes joies sont celles qui succèdent aux plus grand maux.Page 279 - Mais on ne va à vous ni sur des vaisseaux, ni sur des chariots, ni en marchant durant même un aussi petit espace de chemin qu'il y avait depuis la maison d'où nous étions partis, jusqu'au lieu où nous étions assis. Car non seulement y aller, mais même y arriver, n'est autre chose qu'y vouloir y aller : mais le vouloir fortement et pleinement, et non pas tourner de côté et d'autre une volonté malade et languissante, dont une partie qui s'élève vers le ciel, combat contre l'autre qui retombe vers la terre.
Page 285 - Lorsque la considération d'un bonheur qui est éternel élève nos esprits vers le ciel, et que le plaisir d'un bien passager les rabaisse vers la terre, ce n'est qu'une même âme qui veut l'un des deux ; mais qui ne le veut pas d'une volonté pleine et entière. C'est pourquoi elle est déchirée par de cuisants déplaisirs, et ses mauvaises habitudes l'empêchant de se pouvoir se séparer de l'autre.
Page 286- Car je me disais en moi-même du plus profond de mon âme : "Ne différons pas davantage. Convertissons nous tout à cette heure"... Et plus le moment de ma conversion s'approchait, plus je sentais ma frayeur se redoubler : mais cette frayeur suspendait seulement l'exécution de mon dessein sans pouvoir me divertir ni m'en faire retourner en arrière.
Page 291 - Puisque vous m'aviez converti à vous d'une telle sorte, que je ne pensais plus à me marier, et renonçais pour jamais à toutes les espérances du siècle, pour demeurer ferme dans cette règle de la foi, où vous lui aviez révélé tant d'années auparavant que je serai avec elle.
Page 293 - Et ce changement merveilleux que vous fîtes en moi, ne consistait en autre chose, qu'à faire que je ne voulusse plus ce que je voulais auparavant, et que je voulusse ce que vous vouliez.
Page 304 - Car dans ce secret de mon âme où je m'étais mis en colère contre moi-même, où j'avais été touché jusque dans le fond du cœur, et où je vous avais offert un sacrifice, en détruisant d'une part mon ancienne corruption, et vous offrant de l'autre avec une sainte confiance en votre miséricorde le commencement du renouvellement de mon âme, vous aviez commencé, Seigneur, à le faire gouter vos douceurs et vos délices, et à me combler de joie.
Page 308 - Et aussitôt que nous eûmes été tous trois baptisés, l'inquiétude que nous donnait le souvenir de notre vie passée s'évanouit.
Page 314 - Elle lui reprocha ce défaut avec une insolence insupportable en l'appelant une buveuse de vin pur ; ce qui fut comme un aiguillon qui la piqua de telle sorte qu'elle reconnut aussitôt cette difformité dans sa vie, la condamna et s'en corrigea, tant il est vrai qu'au lieu que nos amis nous entretiennent souvent dans le vice par leurs flatteries, nos ennemis nous servent souvent à nous corriger de nos fautes par leurs reproches.
Page 321 - "Mon fils, je vous avoue que pour ce qui est de moi, il n'y a plus rien en cette vie qui soit capable de me plaire, et je ne sais plus ce que j'y fais, n'y pourquoi j'y demeure davantage, puisque je n'ai plus rien à espérer. Car la seule chose qui me faisait un peu désirer de vivre, était de vous voir Chrétien et Catholique avant ma mort. Dieu a plus fait, puisqu'il ne m'a pas seulement accordé une telle grâce mais aussi celle de vous voir devenu entièrement son serviteur par le mépris que vous faites, pour l'amour de lui, de tous les biens et de toutes les félicités du monde.
Page 323 - On n'est jamais loin de Dieu, répondit elle, en quelque lieu du monde que l'on puisse être. Et je n'ai pas sujet d'appréhender qu'au jour du jugement il soit en peine de trouver mon corps pour le ressusciter avec tous les autres.
Page 324 - Car nous ne croyions pas qu'il fut juste d'accompagner ses funérailles de larmes, de plaintes, et de soupirs, parce que l'on s'en sert d'ordinaire pour déplorer le malheur des morts, et comme leur entier anéantissement : au lieu que la mort de ma mère n'avait rien de malheureux, et qu'elle était encore vivante dans la principale partie d'elle-même. C'est de quoi nous étions assurés, et par la pureté de ses moeurs, et par la sincérité de sa foi, et par des raisons très constantes et indubitables.
Page 331 - Mais puisque j'apprends de votre parole sainte que vous aimez la vérité, et que celui qui marche selon ses règles, se présente librement à la lumière, je viens reconnaitre la vérité, non seulement devant vous par une confession secrète que je vous fais dans mon cœur où vous lisez mes pensées, mais encore devant les hommes par une confession publique que je fais dans cet écrit, en présence de ceux qui le liront.
Page 332 - Car lorsque je fais le mal, c'est me confesser à vous que de me déplaire en moi-même ; et lorsque je fais le bien, c'est me confesser à vous que de n'attribuer pas ce bien à moi-même.
Page 334 - Seigneur, vous qui êtes le médecin intérieur de mon âme, faites moi connaître, je vous prie, quelle peut être l'utilité de ces Confessions que je l'en vais faire en ces derniers livres. Car pour ce qui regarde celles que j'ai faites auparavant des crimes que vous m'avez remis, et que vous avez couverts par vitre bonté, afin de me rendre heureux en me faisant participer à votre esprit, et en changeant mon âme par la foi et le baptême, le fruit qu'on peut en tirer est, qu'elles servent à toucher le coeur de ceux qui les lisent et les entendent, à les empêcher de tomber dans le sommeil et l'assoupissement du désespoir, qui leur persuaderait qu'ils ne peuvent sortir de leurs habitudes corrompues.
Page 345 - C'est là (Mémoire) que je conserve les images des choses que j'ai connues par expérience, et que j'ai crues sans les avoir éprouvées par le rapport qu'elles avaient avec celles que j'ai éprouvées, et qu'en conférant toutes ces expériences passées les unes avec les autres, je forme des jugements de ce qui peut arriver et de l'espérance qu'on en doit avoir.
Page 346 - J'avoue que tout ceci me remplit d'admiration et d'étonnement. Les hommes admirent la hauteur des montagnes, l'agitation des flots de la mer, la vaste étendue de l'océan, le cours des fleuves et le mouvement des astres : et ils ne pensent point à eux-mêmes, et n'admirent pas ce qui est si admirable.
Page 349 - Ainsi, apprendre les sciences dont nous n'avons reçu les images par les sens, mais que nous considérons dans notre esprit sans aucunes images comme elles sont en elles-mêmes, n'est autre chose que rassembler par notre pensée les choses qui étaient éparses deçà et delà sans aucun ordre dans notre mémoire.
Page 358 - Mon Dieu qui êtes ma véritable vie, que ferai-je donc ? Je passerai aussi au-delà de cette puissance qui est en moi, et que l'on nomme mémoire, et j'irai plus outre afin d'arriver jusqu'à vous, qui êtes cette agréable lumière après laquelle mon âme soupire. Que me répondez-vous à cela, Seigneur ? Je monterai donc plus haut que mon esprit pour aller à vous qui êtes si élevé au-dessus de moi, et je passerai au-delà de cette puissance qui est en moi, et que l'on appelle mémoire, afin d'atteindre jusques à vous autant qu'on y peut atteindre.
Page 361 - Quand je vous cherche, mon Dieu, je cherche la vie bienheureuse, et je vous chercherai afin que mon âme vive, puisque c'est de vous que mon âme tire sa vie, comme c'est de mon âme que mon corps tire la sienne.
Page 364 - Mais en quel lieu et en quel temps ai-je connu par expérience que ma vie était heureuse, afin de pouvoir me la présenter, l'aimer et la désirer ? Et ce désir d'être heureux ne m'est pas commun avec peu de personnes seulement, puisque tous désirent de l'être, et tous les hommes ne se rencontreraient pas dans une volonté si déterminée et si absolue de cette félicité, s'ils n'en avaient une connaissance très certaine.
Page 366 - Et c'est en cela que consiste la vie bienheureuse de se réjouir en vous, par vous et pour l'amour de vous.
Il semble donc qu'il n'est pas vrai que tous veuillent être heureux, puisque ceux qui ne cherchent pas leur contentement en vous, en quoi seul consiste la vie bienheureuse, ne désirent pas en effet la vie bienheureuse.
Page 370 - Tous ont recours à vous pour savoir ce qu'ils désirent d'apprendre ; mais ils ne reçoivent pas toujours les réponses qu'ils désirent. Et celui-là seul mérite d'être mis au rang de vos fidèles ministres, qui ne désire pas d'entendre de vous ce qui est conforme à sa volonté, mais plutôt de conformer sa volonté à ce qu'il vous plaira de lui faire entendre.
Page 371 - Je courais avec ardeur après ces beautés périssables qui ne sont que les ouvrages et les ombres de la vôtre.
Page 372 - Lorsque je serai uni à vous dans toutes les puissances et toutes les parties de mon âme, je ne sentirai plus de travaux ni de douleurs, et ma vie sera toute vive et toute pleine de vie, lorsqu'elle sera toute pleine de vous.
Page 373 - Trois raisons rendent malheureuses les adversités du siècle : la première, de ce qu'on y désire la prospérité, la seconde, de ce que la mauvaise fortune est elle-même difficile à supporter ; et la troisième, de ce qu'elle fait assez souvent succomber notre patience. Et ainsi n'est-il pas vrai de toutes parts que la vie des hommes sur la terre est une tentation continuelle.
Page 375 - Dieu tout-puissant, votre main n'a t-elle pas le pouvoir de guérir toutes les infirmités de mon âme et d'éteindre par une grâce surabondante ces mouvements d'impudicités que je souffre durant mon sommeil ?
Page 377 - Et ce qui sert à nous tromper en cela, c'est que la nécessité n'a pas la même étendue que le plaisir, y ayant souvent assez pour le nécessaire, lorsqu'il y en a peu pour l'agréable. Et souvent aussi nous sommes incertains si c'est encore le besoin que nous avons de soutenir notre vie qui nous porte à continuer de manger, ou si c'est l'enchantement trompeur de la volupté qui nous emporte.
Elle (notre âme) se réjouit de ce qu'il est difficile de déterminer ce qui suffit aux besoins du corps, afin que le prétexte de la santé lui serve de voile pour satisfaire sans scrupule à la passion de la volupté.
Page 378 - "J'ai appris à me contenter de l'état où je me trouve ; je sais comment il faut vivre dans l'abondance, et de quelle sorte il faut souffrir la nécessité : et je puis tout en celui qui me fortifie". Voilà comment parle un soldat de la milice céleste, et non pas comme les autres qui ne sommes que poussières.
Page 381 - Et personne ne se doit tenir assuré en cette vie, qui est une tentation continuelle, ne sachant pas si comme de méchant, il a pu devenir bon, de bon, il ne deviendra point méchant. Votre miséricorde est l'unique espérance, l'unique confiance, et l'unique promesse assurée dont on ne saurait douter.
Page 382 - Je me sens touché non par le chant mais par les choses qui sont chantées, lorsqu'elles le sont avec une voix nette et distincte, et du ton qui leur est le plus propre, je rentre dans l'opinion que cette coutume est très utile. ...
Toutefois lorsqu'il arrive que le chant me touche davantage que ce que l'on chante, je confesse avoir commis un péché qui mérite châtiment ; et j'aimerai alors beaucoup mieux n'avoir point entendu chanter.
Page 385 - Combien les hommes par tant de différents arts et de différents ouvrages, ont-ils ajouté d'attraits à ces tentations qui nous charment par les yeux, soit dans les habits ou dans les meubles, dans les peintures et autres choses pareilles, où ils vont beaucoup au-delà des bornes de la nécessité et d'une modération raisonnable, et même de ce qui peut servir à la représentation des choses de piété, s'attachant ainsi au-dehors aux ouvrages de leurs mains, et abandonnant au-dedans celui dont ils sont l'ouvrage, et effaçant en eux-mêmes les traits de cet ouvrage divin ?
Page 387 - Or il n'est pas difficile de discerner ce que les sens font par volupté ou par curiosité : la volupté ne cherche que les beaux objets, les sons harmonieux, les odeurs agréables, les gouts délicieux, et ce qui peut plaire à l'attouchement. Et la curiosité s'attache même à des sujets tout contraires, et se porte aux choses fâcheuses et désagréables, non pour en ressentir de la peine et de la douleur, mais par le désir qui la pousse à vouloir tout savoir et tout éprouver.
C'est cette maladie qui a fait trouver ce que l'on voit avec admiration dans les spectacles : c'est elle qui nous pousse à la recherche des secrets cachés de la nature qui ne nous regardent point, qu'il est inutile de connaitre, et que les hommes ne veulent savoir que pour les savoir seulement.
Page 389 - Car lorsque notre esprit se remplit de ces fantômes, et qu'il porte sans cesse avec soi une infinité de vaines pensées, il arrive de là que nos prières mêmes en sont souvent troublées et interrompues.
Page 392 - Donnez nous la grâce d'accomplir ce que vous nous commandez, et commandez nous ce que vous voudrez.
Page 393 - Car si j'avais le choix, ou d'être loué de tout le monde étant extravagant et très ignorant en toutes choses, ou d'en être blâmé étant sage et très instruit de la vérité, je sais bien lequel des deux je choisirai.
Page 396 - Car en se plaisant eux-mêmes, ils vous déplaisent beaucoup, mon Dieu, non seulement lorsqu'ils se glorifient des choses qui ne sont pas bonnes comme si elles l'étaient, mais aussi lorsqu'ils se glorifient des grâces que vous leur avez faites, comme s'ils ne les tenaient pas de vous.
Page 401 - Mais le véritable Médiateur que vous avez fait connaître aux humbles par votre secrète miséricorde, et que vous avez envoyé afin de les instruire à l'humilité par son exemple, ce Médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme, devant paraitre entre le juste immortel et les pêcheurs mortels, s'est fait voir mortel et juste.
Page 402 - Jésus-Christ est mort pour tous les hommes, afin que ceux qui vivent ne vivent plus à eux-mêmes, mais à celui qui est mort pour eux. 2ème lettre aux Corinthiens.
Page 405 - Notre Père céleste connaît ce qui nous est nécessaire avant même que nous le lui demandions.
Page 412 - Il faut donc conclure que vous avez dit, que ces choses fussent faites, et qu'elles ont été faites ; et qu'ainsi c'est par votre seule parole qu'elles ont été créées.
Page 414 - Car ce n'est point comme dans nos discours ordinaires, où, après qu'une chose a été dite, il s'en dit une autre, afin que toutes puissent être dites : mais là toutes les choses sont dites éternellement, et elles le sont toutes ensembles.
Page 418 - L'éternité au contraire n'a rien en soi qui se passe, mais que tout y est présent ; ce qui ne se rencontre point dans le temps, dont il n'y en a nul où tout soit présent, puisque tout le passé est chassé par l'avenir, et que tout l'avenir succède au passé.
Page 420 - et ainsi il ne se peut point faire qu'il se soit passé du temps avant que vous fissiez le temps.
Page 422 - Qu'est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais bien ; mais si on me le demande, et que j'entreprenne de l'expliquer, je trouve que je l'ignore.
Page 424 - Ce temps présent passe du futur au passé avec une si extrême rapidité, qu'il n'a pas la moindre étendue par le moindre retardement ; car s'il en avait, on pourrait le diviser en passé et en avenir.
Page 429 - Ce qui me parait maintenant avec certitude, et que je connais très clairement, c'est que les choses futures et les passées ne sont point... Car je trouve dans l'esprit ces trois choses que je ne trouve nulle part ailleurs : un souvenir présent des choses passées, une attention présente des choses présentes, et une attente présente des choses futures.
Page 440 - Ainsi, c'est dans toi, mon âme, que je mesure les temps... c'est en toi, dis-je, que je mesure l'impression que les choses qui passent font dans toi, et qui y demeure après qu'elles sont passées.
Page 445 - Vous, qui êtes le Créateur des corps et des âmes, connaissez en cette sorte toutes les choses futures et les passées : vous les connaissez d'une manière incomparablement plus merveilleuse, et qui nous est incomparablement plus cachée.
Page 447 - Nous savons que vous avez dit : "Demandez, et vous recevrez ; cherchez et vous trouverez ; frappez à la porte, et elle vous sera ouverte. Car celui qui demande, reçoit ; celui qui cherche trouve ; et on ouvre à celui qui frappe". Ce sont vos promesses, mon Dieu : et qui pourrait craindre d'être trompé quand la vérité même fait des promesses ?
Page 448 - "Le Seigneur s'est réservé le ciel du ciel, et a donné la terre en partage aux enfants des hommes".
Page 453 - Mais d'où cette matière première, en quelque sorte qu'elle fût, pouvait-elle avoir tiré son origine, sinon de vous de qui toutes choses procèdent en quelque manière qu'elles soient, quoiqu'elles se trouvent d'autant plus éloignées de vous qu'elles vous sont plus dissemblables.
Page 454 - Ainsi vous avez fait le monde, Seigneur d'une matière tout informe que vous avez créée de rien, n'étant elle-même presque rien, pour vous en servir à former tous ces grands ouvrages qui sont le sujet de l'admiration des hommes.
Page 456 - Je me suis égaré ; et dans mon égarement je me suis souvenu de vous. J'qi entendu derrière moi votre voix qui me commandait de retourner ; et j'ai eu peine de l'entendre à cause du bruit et du tumulte que mes péchés faisaient dans moi-même.
Page 458 - C'est de là que notre âme doit comprendre combien l'exil malheureux où son péché l'a fait reléguer la tient éloignée de sa véritable patrie : et elle le comprend assez si elle commence déjà à ressentir cette soif ardente qui fait soupirer vers vous.
Page 464 - C'est là la maison du Seigneur, qui n'est ni terrestre ni céleste, c'est à dire de la nature de ces cieux visibles et corporels ; mais qui étant toute spirituelle, et participant à votre éternité demeurera à jamais sans le moindre déchet et sans la moindre défaillance.
Page 470 - Je me garderai bien d'entrer en des contestations de paroles qui ne servent, selon votre Apôtre, qu'à troubler ceux qui nous écoutent, au lieu que votre loi édifie ceux qui en savent faire bon usage, parce qu'elle a pour fin la charité qui nait d'un cœur pur, d'une bonne conscience et d'une foi sincère et véritable.
Page 476 - Car il y a beaucoup de différence entre s'informer de la vérité en ce qui regarde la nature des choses créées, et rechercher ce que Moïse l'un des plus grands de vos serviteurs a voulu qu'on entendit par ces paroles.
Page 482 - Ainsi le discours de vos Ecrivains sacrés qui doit fournir à une infinité de personnes de quoi parler de la vérité, en contient en peu de mots des sources inépuisables, d'où chacun tire et exprime par des discours plus étendus ce qu'il y peut remarquer de vrai et de solide, l'un une chose, et l'autre une autre.
Page 484 - Ils savent qu'ayant ainsi imprimé dans chaque créature la forme particulière de son être, vous avez fait qu'elles vous ont toutes pour fin comme pour principe, et que chacune d'elles se rapporte à vous autant qu'elle en est capable selon sa nature : de sorte qu'elles composent toutes ensemble un tout excellement bon, soit que les unes demeurent proches de vous dans une stabilité bienheureuse, soit que les autres s'en éloignant par degrés.
Page 494 - Mais vous voulez que je vous serve, parce que tout mon bien est de vous servir : vous voulez que je sois à vous, parce que je ne puis trouver de bonheur qu'en vous, comme c'est de vous seul que je tiens l'être qui me rend capable de jouir de ce bonheur.
Page 496 - Mon Dieu, puisque vous seul possédez cet avantage parce que vous seul êtes véritablement, et qu'en vous il n'y a point de différence entre vivre et vivre heureux, parce que vous êtes à vous-même votre propre béatitude.
Page 504 - Mais je voudrais que les hommes considérassent attentivement en eux-mêmes ces trois choses, l'être, le connaître et le vouloir... Car je suis, je connais et je veux. Je suis ce qui connaît et ce qui veut : je connais que je suis et que je veux ; et je veux être et connaître.
Page 506 - Ce n'est encore néanmoins que par la foi, et non pas en voyant Dieu face à face que nous sommes maintenant lumière, puisque c'est par l'espérance que nous acquérons le salut, et que l'espérance qui verrait ce qu'elle espère ne serait pas espérance.
Page 511 - Le ciel même et la terre passeront ; mais votre parole, Seigneur, ne passera point. Car la peau sera pliée, et l'herbe sur laquelle elle est étendue passera avec toute sa beauté, au lieu que votre parole qui est votre Verbe subsiste éternellement.
Page 516 - Et toutes ces diverses grâces sont comme autant d'étoiles formées par un seul et même Esprit, qui distribue ses dons à chacun comme il lui plait, et fait reluire et éclater ces étoiles pour le bien et l'avantage de vos élus.
Page 517 - Mais auparavant, dit le Seigneur, lavez-vous, nettoyez-vous ; et purifiez vos âmes de toutes leurs tâches, afin que n'étant plus souillés de la corruption du péché, vous paraissiez devant mes yeux ainsi qu'une bonne terre : apprenez à faire de bonnes œuvres.
Page 523 - Or votre parole, mon Dieu, est la source de la vie éternelle laquelle ne s'écoule point. C'est pourquoi vos saintes Ecritures nous défendent de nous en éloigner, lorsqu'elles nous disent : "Ne vous conformez pas au siècle, afin que notre terre étant rendue féconde par cette source de vie elle produise une âme vivante, une âme chaste et pure, qui suive les enseignements de votre divine parole.
Page 526 - Ils ne doivent pas non plus s'établir juges de vos saintes Ecritures, encore qu'il s'y trouve quelque obscurité, puisqu'au contraire nous devons y soumettre notre esprit, et tenir pour très certain que ce que les yeux de notre âme ne sont pas capables d'y pénétrer est très véritable.
Page 534 - Or ces fruits de miséricorde et de charité ne nourrissent et ne rassasient proprement que ceux qui en ressentent une sainte joie.
Page 535 - J'ai appris de vous, mon Dieu, à mettre distinction entre le don et le fruit. Le don est la chose même que donne celui qui nous assiste dans nos besoins comme peut être l'argent, la nourriture. Le fruit est la bonne et sincère volonté de celui qui donne.
Page 537 - Car chacune d'elles en particulier n'étant que bonne, elles se sont trouvées extrêmement bonnes, lorsqu'elles ont été considérées toutes ensemble.
Page 540 - Certes personne ne peut connaître les choses qui sont de Dieu, sinon l'esprit de Dieu même.
Page 545 - Donnez-vous, s'il vous plait, mon Dieu, votre paix, une paix tranquille, une paix du jour du Sabbath qui est un jour de repos.